Gaspard Koenig, philosophe et auteur de Notre vagabonde liberté aux éditions de L’Observatoire, a passé cinq mois sur les traces de Montaigne entre le Périgord et Rome, en passant par la Champagne, les Vosges, la Bavière ou encore la Toscane. Une randonnée à cheval dont il fait le récit dans son dernier ouvrage. Pourquoi une telle entreprise ? « C’est un peu ce que dit Montaigne quand il entreprend le même trajet en 1580 : “Je sais ce que je fuis, je ne sais pas ce que je cherche”. Moi je savais ce que je fuyais, mon précédent voyage et ouvrage portaient sur l’intelligence artificielle, ce qui m’avait un peu découragé car je trouve que nos vies sont de plus en plus normées, par des lois ou des algorithmes, donc ce que je fuyais, c’était une société trop cadenassée. L’idée était aussi de laisser une place à l’inattendu. »
Entre les pages se dessine un constat : la France rurale apparaît plutôt heureuse. « Bien sûr les gens ont des problèmes, la vie est difficile, mais une identité locale extrêmement forte se détache, analyse Gaspard Koenig. L’identité régionale est beaucoup plus ancienne que la Révolution française. Et les gens ont surtout envie qu’on les laisse vivre ! (…) Ils regrettent souvent que le discours médiatico-politique soit trop paternaliste. »
Une ritournelle revient au fil du livre, les petits règlements absurdes qui agacent tout le monde. C’est par exemple le cas pour Vincent, agent de l’Office national des forêts : « Il appartient au service public et il voudrait abandonner la voiture et faire ses rondes en forêt à cheval, explique Gaspard Koenig. Mais pour ça, il lui a fallu de longs pourparlers avec l’administration générale ! Une démarche complexe pour aboutir à une idée simple, utiliser un cheval plutôt qu’un 4x4. L’Etat doit cesser de micro-manager nos vies. »
L’essayiste ajoute : « Quand la loi n’est plus compréhensible, elle n’est plus respectable, surtout quand on demande au citoyen lui-même de faire le travail de l’administration pour comprendre ce qu’il a le droit de faire ou pas avant de passer son temps ensuite à craindre le contrôle ou la sanction. C’est un thème central qui dit beaucoup du rapport de défiance de l’Etat vis-à-vis de l’individu. »