La Commission européenne a interdit mercredi le projet d’acquisition d’Alstom par Siemens en vertu du règlement de l’UE sur les concentrations. La concentration aurait porté atteinte selon l’exécutif européen à la concurrence sur les marchés des systèmes de signalisation ferroviaire et des trains à très grande vitesse.
La Commission européenne a rejeté mercredi le projet de rapprochement entre Alstom et Siemens, censé créer avec le soutien des gouvernements français et allemand un champion européen du ferroviaire face à la concurrence internationale, notamment chinoise. La direction d'Alstom a pris acte de cette décision et annoncé qu'elle enterrait le projet de fusion.
Le patron de Siemens, Joe Kaeser, a dénoncé une Europe qui n’est pas au niveau face à la Chine, estimant que la protection des intérêts des consommateurs ne devait pas s’opposer à ce que l’Europe affronte sur un pied d’égalité la Chine et les États-Unis. Il appelle à une refonte « structurelle » de la politique industrielle européenne face à la concurrence chinoise ou américaine.
« Protéger les intérêts des clients localement ne signifie pas se priver d’être sur un pied d’égalité avec des pays leaders comme la Chine et les États-Unis », a déclaré Joe Kaeser, estimant que « les élections européennes à venir constituent une opportunité unique de bâtir l’Europe du futur, y compris dans le champ de la politique industrielle ».
De son côté, le patron de la SNCF, Guillaume Pepy, a évoqué une « triste nouvelle », regrettant que les règles de la concurrence empêchent la création de « champions européens ».
La crainte d'une hausse des prix
« La Commission a interdit la concentration parce que les parties n’étaient pas disposées à remédier aux importants problèmes de concurrence que nous avons relevés », a déclaré la commissaire à la Concurrence Margrethe Vestager, citée dans un communiqué de l’exécutif européen. Elle estime que « cette concentration aurait entraîné une hausse des prix pour les systèmes de signalisation qui assurent la sécurité des passagers et pour les futures générations de trains à très grande vitesse. »
Cette décision largement attendue a été critiquée par avance par le gouvernement français, le patronat européen et le PDG d’Alstom, Henri Poupart-Lafarge, qui reprochent à la Commission de limiter son analyse au seul marché intérieur européen sans tenir compte de l’évolution de l’environnement mondial, marqué notamment par l’émergence du géant chinois CRRC dans le ferroviaire.
Alstom comme Siemens ont déjà indiqué qu’ils ne contesteraient pas la décision de la Commission européenne.
Bruno Le maire dénonce une « erreur économique »
Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, avait confirmé mercredi matin le rejet attendu par la Commission européenne du projet de fusion entre Alstom et Siemens, fustigeant « une erreur » qui « va servir les intérêts » de la Chine.« Je crois que les jeux sont faits », a affirmé le ministre sur France 2. « Je le regrette profondément parce que je considère que c’est une erreur économique », a-t-il ajouté. « Les jeux sont faits, c’est une erreur économique qui servira les intérêts de la Chine ! »
En parallèle, la secrétaire d’État à l’Économie Agnès Pannier-Runacher affirme que le rejet de ce projet de fusion entre Alstom et Siemens est une décision « complètement à côté de la plaque », lors de son intervention ce mercredi 6 février sur BFM Business. Elle juge nécessaire de faire évoluer les règles concurrentielles en Europe.
« Ne pas construire une analyse de la concurrence en prenant en compte ce qui se passe sur le plan mondial […] c’est de mon point de vue appliquer des règles du XXe siècle à une économie du XXIe siècle. On est complètement à côté de la plaque », a déclaré Agnès Pannier-Runacher Alstom et Siemens avaient fait des concessions
Les deux groupes ont proposé en janvier des cessions d’actifs à la Commission européenne, qui s’inquiétait de la position dominante que le nouvel ensemble aurait dans la signalisation ferroviaire et les trains à grande vitesse.
Ces « remèdes », destinés à « prendre en compte les préoccupations de la Commission tout en préservant les fondamentaux économiques et industriels de la transaction », représentent 4 % du chiffre d’affaires de l’entité combinée, a précisé Alstom dans un communiqué. Ils concernent notamment la technologie Velaro des trains à grande vitesse de Siemens (roulant sous le nom d’ICE en Allemagne), selon des sources proches du dossier.
Mais la Commission européenne juge ces concessions insuffisantes pour assurer le maintien d’une concurrence satisfaisante.