Un bruit sur le trottoir. La porte qui s'ouvre. Harold Conrad tourne la tête. Enfin, Cassius Clay arrive dans la salle d'entraînement. Il serre la main des Beatles. S'arrête. Fixe John Lennon et lui décoche un uppercut : "Vous êtes moins bêtes que vous n'en avez l'air." Fortiche le sportif, qui provoque ainsi quatre vedettes devant lesquelles l'avant-veille près de la moitié des Américains s'est attablée. Et pourquoi cette phrase insolente, bête et méchante ? Parce qu'ils ont pris le risque de cette rencontre ? Ou plus simplement parce qu'ils ont des visages sympathiques, ces Anglais, dont Clay n'aime pas les chansons, car lui n'écoute que des ballades folkloriques ? Personne ne sait, c'est du Clay. (...) Du tac au tac, [John Lennon] dégaine la riposte : "Toi, en revanche, tu es encore plus bête que tu n'en as l'air." Cassius Clay est mouché. Cernés par une rangée de photographes, les cinq s'observent désormais dans un silence épais. Ils n'ont pas envie de se parler, pas du tout envie. Ils ne sont pas là pour ça d'ailleurs, ils sont là à se toiser uniquement pour mettre en scène leurs notoriétés grandissantes, pour jouer un spectacle, qui devra séduire la presse, ravir les lecteurs, accroître leur renommée. Du marketing, sans affect ni sentiment, bien calculé. Cassius Clay a une idée. Il demande aux chanteurs de monter sur le ring et improvise avec eux un faux match de boxe. Les Beatles jouent le jeu, ils font mine d'être déséquilibrés, frappés, renversés, ils tombent, se relèvent et grimacent. (...) Les flashs crépitent, les reporters en redemandent. La scène dure une dizaine de minutes. Les Beatles repartent. Cassius Clay reprend l'entraînement. Demain, le monde entier aura sous les yeux ces photographies. Et plus jamais n'oubliera les noms des Beatles ni celui du boxeur Cassius Clay.
Images BBC