Pour l'expert nommé pour étudier l'oeuvre, il n'y a pas de doute ! C'est un véritable trésor de la peinture qui a été découvert dans le grenier d'une maison de la région de Toulouse en 2014. Pour Eric Turquin, il s'agit bien de l'oeuvre «authentique» du peintre italien Le Caravage (1571-1610).
Le mois dernier, le ministère de la Culture avait interdit le tableau de sortie du territoire dans l'attente de son expertise. Selon l'expert chargé de l'examiner, il s'agit donc bien d'un original. Sa valeur serait estimée à 120 millions d'euros. L'Etat a 30 mois pour se porter acquéreur. Après quoi, il pourra être vendu dans le monde entier.
«Cet éclairage particulier, cette énergie typique du Caravage, sans corrections, d'une main sûre, et les matières picturales, font que ce tableau est authentique», a déclaré Eric Turquin ce mardi à Paris devant la presse. «Vous voyez, ça, c'est fait d'un coup de pinceau, avait-il précédemment détaillé dans un reportage de France 2. Un copiste ou un artiste moyen, il ne sait pas faire çà. Et la façon dont l'artiste a fait les ongles, par exemple, avec juste une toute petite touche de blanc, il ne l'a pas corrigée, il n'est pas revenu dessus. Çà c'est un maître, c'est quelqu'un qui a une autorité qui ne revient pas sur ce qu'il a fait.»
«Le tableau a été découvert par les propriétaires d'une maison de la région de Toulouse, en avril 2014, en ouvrant une sous-pente pour maîtriser une fuite d'eau», avait indiqué le cabinet d'expertise. Le tableau a ensuite transité par l'étude d'un commissaire-priseur toulousain, qui a fait appel au cabinet Turquin comme expert. Une fois nettoyée, l'oeuvre s'est révélée d'une grande qualité. Le tableau a également été radiographié pour pouvoir être daté.
Les experts partagés sur l'attribution de l'oeuvre !
Un arrêté de la ministre de la Culture, paru le 31 mars au Journal officiel, a «refusé le certificat d'exportation demandé pour un tableau attribué possiblement à Michelangelo Merisi, dit Le Caravage». Selon le ministère, la toile mérite «d'être retenue sur le territoire comme un jalon très important du caravagisme, dont le parcours et l'attribution restent encore à approfondir».
L'existence du tableau était connue «par une copie d'époque attribuée à Louis Finson», peintre flamand contemporain du Caravage. Il «montre Judith, grande héroïne biblique, veuve de la ville de Béthulie, qui a accepté de rejoindre sous sa tente Holopherne, général de Nabuchodonosor, qui assiège la cité», précise le cabinet Turquin. La scène montre la décapitation de ce dernier
S'il affirme qu'il s'agit bien d'un original du Caravage, l'expert prévient toutefois : sur ce tableau, «il y aura plus de controverses que d'expertises». Eric Turquin a pourtant reçu un soutien de taille : l'avis de Nicola Spinoza, ancien directeur du musée de Naples, l'un des grands spécialistes du Caravage. «Il faut reconnaître dans la toile en question un véritable original du maître lombard, presque certainement identifiable, même si nous n'avons aucune preuve tangible et irréfutable», indique M. Spinoza dans son compte-rendu d'expertise.
Une source proche du dossier précise pourtant: «les experts sont encore partagés sur l'attribution de ce tableau au Caravage».
«Des gens sérieux attribuent ce tableau à Finson (NDLR : Louis Finson, peintre flamand (1580-1617), disciple du caravagisme)», reconnaît l'expert Eric Turquin qui fait part de son intime conviction pour authentifier l'oeuvre.
Selon Le Quotidien de l'Art, «une spécialiste de Caravage, Mina Gregori, estime à propos du tableau retrouvé qu'il ne s'agit pas d'un original du Caravage, mais elle reconnaît en contrepartie la qualité indéniable de l'oeuvre».
«C'est une oeuvre importante, qu'elle soit du Caravage ou d'un autre peintre, rappelle-t-on de sources proches du dossier. Caravage est un artiste problématique à attribuer. Il n'y a pas de signature. Il y a eu beaucoup de copies. L'histoire de l'art n'est une science exacte. L'attribution d'un tableau à un peintre se fait sur un faisceau d'indices. Cela peut prendre des années et on peut ne jamais trouver la réponse».