La plupart des chauves-souris émettent des signaux ultrasonores. Ceux-ci répondent à des pressions évolutives variées comme la furtivité vis-à-vis des proies et des prédateurs. Les lépidoptères nocturnes représentent un pourcentage important de ces proies : il y a une coévolution marquante où ils possèdent une perception sensible pour les émissions ultrasonores des chauves-souris, ce qui déclenchent du comportement défensif.
Les chauves-souris
Alors que la plupart des vertébrés nocturnes se fient à des sens « passifs » comme la vision, l’olfaction et l’audition, pour évoluer dans l’obscurité, la majorité des espèces de chauves-souris utilisent l’écholocation pour repérer leur nourriture et se diriger. Au sein de ce millier d’espèces, la plupart émettent des signaux ultrasonores, c’est à dire trop aigus pour que nous puissions les percevoir.
Les caractéristiques de ces signaux, y compris leur fréquence ultrasonore, répondent à des pressions évolutives aussi variées que la furtivité vis-à-vis des proies et des prédateurs, la résistance au brouillage et la richesse des informations présentes dans leurs échos. La production sonore des chauves-souris ne se limite pas à cela. Elles possèdent aussi un répertoire étendu et encore mal connu de cris de communication et de chants de parade.
Tous ces sons, un peu mystérieux parce qu’inaudibles, nous offrent pourtant des possibilités d’études inédites. Grâce à des appareillages spécifiques, ils nous permettent de suivre leurs populations et d’analyser leur comportement.
Les lépidoptères
Les communications chez les papillons nocturnes sont typiquement des signaux chimiques, mais plusieurs espèces (pyrales, noctuelles) émettent des messages sonores dans le contexte d’accouplement. Les signaux se trouvent normalement dans la bande de fréquence « ultrason », ils sont diffusés par les mâles, et ils s’impliquent dans la cour à très courte distance de la femelle.
Il y a également des chants d’annonce à longue distance ; ces derniers exposent une certaine convergence avec les communications chez d’autres espèces acoustiques (orthoptères, anoures). Une sensibilité à l’ultrason est bien répandue parmi les papillons nocturnes où elle a une fonction défensive contre les chauves-souris ; une analyse évolutive indique que la perception auditoire ait précédé l’émission des chants.
Cette séquence – la perception en première, les signaux en deuxième – est congruente avec un mécanisme évolutif dit « le biais sensoriel » . Néanmoins, la trajectoire d’évolution où un comportement défensif, avec ses réponses fortement négatives, est devenu une affaire sexuelle reste inconnue. Nous allons considérer la vie sécrète de quelques papillons chantants afin d’explorer cette transition invraisemblable.
Par Jean-François Julien
Chargé de recherches CNRS au CESCO
Centre d’Ecologie et de Sciences de la Conservation, Muséum national d’Histoire naturelle
Et Michael Greenfield
Biologiste spécialiste de l’évolution et du comportement animal, professeur, chercheur CNRS UMR 7261 (IRBI)
Université François Rabelais (Tours)