Retour à Léo Ferré avec un autre extrait de « Ferré chante Verlaine et Rimbaud » (1964) « Ecoutez la chanson bien douce » ouvre l’album sur un poème de Verlaine extrait de « Sagesse » écrit en 1878
Un poème écrit dans un contexte bien particulier:
Quelques années auparavant le poète a purgé deux années de prison pour avoir tiré au révolver sur Rimbaud ne le blessant heureusement que légèrement Il apprend alors plein de douleur que sa femme Mathilde lasse de ses égarements a obtenu la séparation C’est alors qu’il se convertit à la religion chrétienne
Plein de regret devant sa vie passée et de repentir sincère il essaye au travers de ce chant d’amour, cette « chanson bien douce » de persuader Mathilde de bien vouloir reprendre la vie conjugale avec lui, s’efforçant dorénavant de vivre suivant son nouvel idéal chrétien, en étant plus sage, en laissant de coté la vie facile et les rêves de gloire littéraire
Cet appel pathétique est touchant mais on sait qu’il ne tiendra pas longtemps ses nouvelles résolutions!
Verlaine est sans doute un des poètes qui se prêtent le plus à une transposition musicale: ici Ferré a écrit une composition aérienne sur un rythme de valse-musette, une de ces mélodies envoutantes qui vous trottent dans la tête et ne vous lâche plus une fois entendue !
Une chanson que le grand contreténor Philippe Jaroussky a eu la bonne idée de choisir dans un arrangement de Jérome Ducros adapté à sa tessiture dans son tout nouveau double-album « Green, mélodies françaises sur des poèmes de Verlaine »
Écoutez la chanson bien douce
Qui ne pleure que pour vous plaire.
Elle est discrète, elle est légère :
Un frisson d'eau sur de la mousse !
La voix vous fut connue (et chère ?)
Mais à présent elle est voilée
Comme une veuve désolée,
Pourtant comme elle encore fière,
Et dans les longs plis de son voile
Qui palpite aux brises d'automne,
Cache et montre au cœur qui s'étonne
La vérité comme une étoile.
Elle dit, la voix reconnue,
Que la bonté c'est notre vie,
Que de la haine et de l'envie
Rien ne reste, la mort venue.
Elle parle aussi de la gloire
D’être simple sans plus attendre,
Et de noces d’or et du tendre
Bonheur d’une paix sans victoire.
Accueillez la voix qui persiste
Dans son naïf épithalame
Allez, rien n'est meilleur à l'âme
Que de faire une âme moins triste !
Elle est en peine et de passage
L'âme qui souffre sans colère,
Et comme sa morale est claire !...
Écoutez la chanson bien sage.