Je continue d’explorer l’album « Ferré chante Baudelaire » (paru en 1967) avec un des temps forts de l’album : la mise en musique d’un des petits poèmes en prose de Baudelaire ("spleen de Paris") paru en 1862
C’était une véritable gageure d’adapter un tel poème car il s’agit d’un dialogue La difficulté de l’interprétation pour cette chanson (et ferré l’a réussi haut la main) est de trouver un ton différent dans la voix pour chacun des deux personnages : -celui de « l’étranger » seul à cause de sa différence, qui rejette le matérialisme et vit dans le rêve, l’imagination, l’évasion (symbolisé par les nuages) Toujours en quête vaine de la beauté , il symbolise le poète qui a un sentiment d’étrangeté face au monde et aux autres
-et celui de l’homme autoritaire qui l’interpelle avec véhémence dans ce qui est un véritable interrogatoire
Encore une fois Ferré a su trouver le ton qu’il faut avec une musique aérienne qui nous plonge dans le rêve, une chanson qui laisse entendre un très beau solo de violon que j’ai essayé de restituer ici au piano
"Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère ?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
- Tes amis ?
- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie ?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté ?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L'or ?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !"